Les AVS, auxiliaires de vie scolaire, qui prennent en charge les élèves en situation de handicap, présent(e)s dans les établissements scolaires, ont des contrats toujours aussi précaires et écorchés. On les nomme dans de nombreux couloirs « les indispensables » et sont membres à part entière de la communauté éducative (du moins, dans les textes …). Pourtant, ces agents non-titulaires de l’Éducation Nationale manquent cruellement de considération sur plusieurs points depuis quelques années maintenant. Et, à ce propos, dès la rentrée 2019, une nouveauté concernant leurs missions est venue noircir le tableau : les PIAL (Pôles Inclusifs d’Accompagnement Localisés – ça ne vous dit rien ? C’est normal ! ). Une bombe lâchée dans les écoles, mais surtout chez les AVS qui ont dû signer leur contrat en adhérant obligatoirement à ce fameux PIAL, sans savoir ce qu’il en découlait réellement. A l’heure actuelle, quasiment 2 mois après la rentrée et la signature du contrat, c’est encore le flou total sur l’engagement pris envers l’employeur : l’État, qui nous fait croire mettre en place des éléments pour une amélioration des conditions de travail. Mais, évidemment, c’est tout le contraire qui est vécu sur le terrain.
Une camarade AVS dans le boulonnais, nous en dit plus avec un témoignage essentiellement basé sur cette nouveauté.
« Le PIAL n’a pas changé nos conditions de travail, au contraire ça s’est empiré !
Je dépends de 19 écoles; je signe mon contrat le vendredi, J-3 avant la rentrée. Je signe et accepte donc l’article 5 qui l’écrit bien noir sur blanc dans mon contrat …. « exercera ses fonctions dans le PIAL comprenant les écoles ou établissements repris en annexe »
Je ne connais ni mon ou mes établissements, ni les élèves que je suivrai car je suis dans le bureau de la secrétaire (du collège référent) qui est perdue autant que moi. Où sont les certitudes de sérénité sur nos conditions de travail garanties par le gouvernement ? Ce sont plutôt le chaos et le manque d’informations utiles qui règnent dans les couloirs ; nous sommes abasourdi-e-s.
C’est la rentrée. On tâtonne tous. Moins agréable pour certains-nes d’entre nous, c’est l’attente interminable pour toutes ces personnes qui sont dans leurs établissements de rattachement ( celui de l’an passé) et qui attendent leur prise en charge dans leur nouvel établissement ; un mois d’attente sans savoir quoi faire et où aller, c’est vraiment trop ! On a des familles et une vie à coté !
L’année commence bien ( c’est de l’ironie mais vous l’avez compris ! )
Donc je suis à temps partiel, à 60%… 24h semaines en école primaire. Aucun autre contrat de 11h dans un autre établissement ne m’est proposé. Je demande mais on n’en sait pas plus. Toujours cette pauvre secrétaire. Je la laisse tranquille. Pourtant je dépends de 19 écoles, je pourrais donc avoir un 100% , mais ça n’est pas le cas… pas d’amélioration de mon salaire comme l’avait garanti le gouvernement début juin. C’est bien dommage.
Le ministère insiste bien sur l’école inclusive et assure de mettre tout en œuvre pour son bon fonctionnement à l’intérieur des murs de chaque école. Est-ce bien le cas ? je n’en suis pas certaine. Pour ma part, je suis en train de jongler littéralement entre deux temps car en l’absence d’un AESH le nouveau plan d’organisation à travers le PIAL- Pôles inclusifs d’accompagnement localisés – laisse le dirigeant placer (oui comme des pions) ses accompagnants d’enfants en situation de handicaps en fonction des exigences et de l’importance du handicap (les priorités) là où se trouve le besoin. Très bien, mais il faut dans ce cas là imaginer que j’ai actuellement la charge du suivi de 5 enfants avec une notification MPDH (l’accès à une AESH).
Ces élèves en situation de handicap diagnostiqués et suivis ont normalement le droit depuis des années à un mi-temps ( c’est-à-dire à 12h de leur temps scolaire) à une personne qui les aide et les accompagne dans leur scolarité. Cependant, vous me direz les mathématiques ne sont pas une opinion, si j’en accompagne 5 je ne peux pas faire 60 heures semaines n’est ce pas ? Et bien non, car maintenant le vrai changement c’est que nous nous adaptons à ce que l’on nous demande ; sans avoir mot à dire. Les enfants ont un temps « partiel » et adaptable à leur nécessité. Un point qui fait que ces élèves qui ont déjà des troubles sévères ou moins mais toujours leurs casseroles, se trouvent d’une semaine à l’autre à voir arriver à leurs cotés telle ou telle personne, selon le bon vouloir des priorités; on change l’AESH ou carrément on n’en a presque plus ( j’accompagne un élève qui a normalement un mi-temps de prise en charge plus que 6h par semaine au lieu de 12). Pour eux, tout ça les déstabilise et les perturbe, adieu la sérénité de l’enfant déjà fort en difficulté ! Les effectifs manquent et nous devons nous plier en quatre pour répondre dans nos heures de contrat à un nombre disproportionné d’élèves en grand besoin! Ne pas réembaucher là aussi est une grande erreur du gouvernement, ce métier a besoin de bras ! En gros, « l’école inclusive » peut être, mais sur le bon dos des AESH payées une misère par an (moins de 9 mille euros).
Les meilleures conditions se résument-elles à un simple numéro NUMEN et une adresse académique ? On nous avait promis de connaître notre structure et les familles des élèves avec lesquelles nous aurions travaillé toute l’année ? L’avez-vous vécu vous ? Moi certainement pas !
Les AESH ne sont pas encore tout à fait intégré(e)s dans le monde de l’école, certains-es n’entrent pas encore dans la salle des profs ou sont encore dans le fond de la classe à fermer leur gueule (excusez moi le terme mais c’est vrai) et à suivre des élèves qui ne sont même pas notifiés MPDH, au bon vouloir de l’enseignant encore grand patron de sa classe. Rien n’a réellement changé du moins rien en bien…
Etre formé ? Un autre grand problème. Hé bien, 60h la première année semblent suffire au gouvernement qui s’en remet pour les années suivantes aux académies : ces dernières ne financent rien tant que deux années de travail pour l’Education Nationale ne sont pas faites.
Donc, en résumé, perso, je suis dans ma quatrième année, deux de CUI et au début de la deuxième en contrat public et je n’ai eu accès pour l’instant qu’aux 60h en amphithéâtre sur la mission de l’AVS et les différents troubles, point barre. Cela fait des années que je demande à avoir accès à certaines formations, comme par exemple la formation de l’apprentissage du langage des signes ; tout à nos frais. Pas d’accès concret. Cependant, d’avoir le droit de me placer devant un enfant avec de gros troubles du langage et de me dire maintenant débrouille toi, ah ça oui c’est faisable ! A mes frais, et pendant mes heures de trous, impossible de laisser cet enfant vagabonder dans les couloirs seul, j’imprime et j’apprends. Est-ce là les bonnes conditions et l’inclusion des AESH dont parlait le gouvernement en juin ? Ça n’est pas pour 20 euros par mois en plus que nous allons dire que tout va bien ! En tout cas moi pas.
Le pompon, hier, on me donne un formulaire de renseignements à redonner à mon administration, un formulaire qui me parait bien familier. C’est le même que nous remplissons au tout début de notre recrutement; nos données personnelles à fournir. L’établissement dans lequel nous sommes affectés à une note à remplir lui aussi et devra répondre à la question fatidique « quels élèves suivons-nous ? » : Question pour le moins un peu arriérée… Car si le PIAL nous rattache à une petite vingtaine d’écoles et que dès l’absence d’une ou d’un d’entre nous la direction peut nous placer et déplacer comme il le souhaite qu’est ce que l’administration va mettre comme noms dans le formulaire ? Mais il y a un petit point en dessous de rajouté, de nouveau, d’ajouté à un vieux formulaire (nous ne sommes pas dupes): l’adresse académique du PIAL et des noms de référents ; J’en prends la photo et une collègue à moi 5 minutes plus tard a le même réflexe. Pourquoi ? Et bien, c’est le premier contact PIAL que l’on nous fournit ( sans le vouloir) depuis le 3 septembre. Nous sommes le 18 octobre ! Inclusion était le mot d’ordre. Pour l’instant nous sommes encore dans l’étape de la confusion. Je reste à faire le guet et mon métier avec passion et grand dévouement. Reste à savoir si le gouvernement tient à faire pareil ! »
Une AVS en colère